mercredi 11 février 2009

Thiéfaine

J'ai découvert Thiéfaine sur le tard, en 1982, lorsque les radios ont bien voulu diffuser massivement les deux chansons phares de son cinquième album, qui restent pour moi des chansons fétiches: Loreleï Sebasto Cha et Les dingues et les paumés. J'avais 21 ans, un an de trop pour me prévaloir d'une certaine phrase de Paul Nizan, et c'était quand même bien, même si on n'a pas envie de repasser par là. Mais disons que depuis 1982 je suis accro à Thiéfaine, ses disques d'avant, ses disques d'après. Enregistrements publics, enregistrements studios. Son univers n'est pas le mien, mais il me fascine. Linguiste de formation, comment ne pas être abasourdi par ce fou "mort de désespoir dans un champ de labiales carnivores"? J'ai eu, à plusieurs reprises, l'occasion de le voir sur scène, mais cela ne m'intéresse pas. La part qu'il y a en moi de misanthropie me rend agoraphobe. Je n'aime pas les foules. Bien sûr, je ne regrette pas d'avoir assisté à des mega-concerts : la tournée d'adieux d'Yves Montand, Barbara à Pantin, Léo Ferré au pavillon Baltard, mais je préfère les petites salles. Je n'ai pas trop fréquenté l'Olympia, c'était cher quand j'étais étudiant, mais François Rauber, l'orchestrateur de Brel, me faisait signe quand il avait une invitation pour deux et que son épouse ne pouvait ou ne voulait pas l'accompagner. Mais j'étais, à l'époque, quasiment abonné à Bobino qui, sous un prétexte quelconque, me bombardait d'entrées gratuites. Et puis il y avait les fêtes de comités d'entreprise, etc. Je ne sais pas combien de fois j'ai vu Juliette Gréco Henri Tachan ou Mouloudji sur scène. Chaque fois le bonheur pur. Il n'empêche, je préférais les salles encore plus petites, les café-théâtres, où les Maurice Fanon, les Pierre Louki, les Jacques Debronckart, ou bien Cora Vaucaire, se présentaient sur une simple estrade.
Cela, bien sûr, me prive de moments sans doute privilégiés. Ma compagne a réservé sa place pour aller voir Mylène Farmer avec sans doute la même dévotion qui, plusieurs mois à l'avance, m'avait poussé à réserver la mienne au retour de Barbara à Pantin. Mais je ne l'accompagnerai pas. J'adore Mylène farmer, mais je ne me sentirais pas à l'aise dans ce magma humain. A quoi ça sert que les dvd se décarcassent ?
Ainsi donc, pour en revenir au thème principal de cette contribution, c'est seulement maintenant que je prends le temps, occupé par ailleurs, de visionner le dvd de la dernière tournée de Thiéfaine, Scandale melancolique tour (Sony, 2007). Pas de chansons nouvelles, un savant équilibre entre chansons anciennes et chansons extraites de son précédent studio, Scandale melancolique (2005). Difficile de dire si celles qui font le plus chaud au coeur, à l'épiderme et au cerveau sont les vieilles, celles que l'on sait par coeur, ou les nouvelles. L'inénarrable fille du coupeur de joints est interprétée par un collectif. Ayant un peu de temps libre ces temps-ci, je revisionne le dvd en boucle. Quel bonheur. On aurait aimé y être. Mais non. "La solitude n'est plus une maladie honteuse".