jeudi 26 février 2009

Maurice Fanon - Les communistes

Il semble qu'il n'existe pas d'enregistrement officiel de la chanson "Les communistes", de Maurice Fanon, que celui-ci chantait pourtant sur scène. C'est la raison pour laquelle je me permets de balancer sur le net, à qui voudra l'entendre bien sûr, et en espérant ne pas avoir de problèmes avec les marchands de chansons qui n'ont pas souhaité diffuser celle-ci, cet enregistrement saisi sur le vif, en septembre 1980 à l'Echaudoir, un petit café du nord parisien. Maurice Fanon m'avait autorisé à l'enregistrer. A la fin du concert il m'avait mis son numéro de téléphone en guise de dédicace sur un disque que je lui avais présenté. L'enregistrement est d'une qualité plus que médiocre, j'avais 19 ans et j'avais juste posé devant moi le magnétophone dont modestement je disposais. Mais cela permettra de donner une petite idée à ceux qui de cette chanson ne connaissent que les paroles. Et puis que diable, les enregistrements publics de Fanon ne courent pas non plus les rues, et qu'importe la qualité technique à qui connaît de toute façon les textes par coeur, si l'enregistrement est porteur de feeling... Dans le récital, la chanson se situait juste après "Et si le diable", et Maurice Fanon enchaînait avec l'Echarpe.

Il se peut, si l'on me chouchoute et si l'on exerce quelque pression sur moi, que je publie ici, peu à peu, l'intégrale du récital de ce soir là. Le temps passant, Fanon avait ajouté quelques couplets à "Tête de quoi". Et puis il disait "La chanson d'Irlande" qui, à ma connaissance, n'a été enregistrée que par Francesca Solleville. Il chantait les vieilles de la vieilles, celles que tout le monde attendait "Madame Seguin" et "Jean Marie de Pantin" et aussi quelques unes de son disque à venir ("Mon enfant", "Vincennes-Neuilly") et d'autres qu'il avait écrites pour Pia Colombo et jamais enregistré ("La maison devant la mer"). C'était la première fois que je le voyais sur scène. J'étais tellement bouleversé que je suis parti sans payer. Ce qui, honnêtement, m'a obligé à revenir. Il y avait dans l'assistance quelques couples de bourgeois assez mal à l'aise, surtout dans le long explicatif précédant et expliquant la genèse de "Le cheval gris". Ce soir là, Maurice Fanon était accompagné par un pianiste qui s'appelait Yves Choubert, ce qui lui avait aussi valu quelques commentaires de la part de Maurice et du maître des lieux Alain Cuniot.

(Photo: Guy Fasolato)

Jean Arnulf

A force de ne pas me tenir au courant de l'actualité, c'est aujourd'hui seulement que j'apprends le décès de Jean Arnulf, survenu il y a deux ans. C'est peu dire qu'Arnulf n'avait crevé ni les écrans ni les tympans. Ses disques s'étaient si peu vendus qu'un jour, ayant discuté avec lui par téléphone, il m'avait demandé, puisque j'avais quelques uns de ses enregistrements, de lui en faire une copie. J'étais passé les lui déposer, il n'était pas là, je les avais laissés sur son paillasson. Je ne l'ai donc jamais rencontré. C'est un des très grands mecs de la chanson française.
Sa femme, Martine Merri (qui a signé les paroles de "Points de vue"), a eu plus de succès que lui. Elle était en particulier la voix de Pimprenelle dans la série «Bonne nuit les petits».

mercredi 25 février 2009

Dictionnaire et fétichisme

Je l'avoue, je suis fétichiste. Je fantasme sur les objets. Matériel de cuisine, outils en provenance du monde ouvrier, papeterie et bien sûr, comme le chantait Mouloudji, «les dessous troublants / pour la mise en valeur de ton beau corps tout blanc». Mais s'il y a un objet sur lequel je fantasme par-dessus tout, c'est sur les dictionnaires. Je ne pourrais dire combien j'en ai (3 mètres de rayonnage et 1,37 Mb sur disque dur), de même que je ne saurais dire qui a dit qu'un dictionnaire était un roman dont les personnages étaient classés par ordre alphabétique. Ma passion pour les dictionnaires fait que dans la jungle inextricable de mon disque dur, j'ai même un scan de la carte d'étudiante de María Moliner. "Ca c'est pervers", m'a dit un jour Rafael Menjívar Ochoa. Cette passion remonte à loin. J'avais, quand j'étais étudiant, sur un coup de tête, acheté le Littré d'occasion chez Gibert. Ma copine Christine Leroy, avec qui je faisais ce jour-là des emplettes, avait bien voulu le garder chez elle, car l'objet était tout de même quelque peu encombrant. J'adore Appendix probi, ce dictionnaire bilingue latin classique/ latin vulgaire. Covarrubias, Trévoux, Furetière; Nicot (hé hop une clop au passage) et les dictionnaires régionalistes me rendent fous de bonheur.
Je reçois, régulièrement, des offres promotionnelles me proposant le Robert (le grand) en cd à des prix préférentiels. C'est pour moi, chaque fois, un crêve-coeur que de refuser. Chaque fois mon coeur se met à battre, puis à débattre (il est vrai que je l'ai en papier, six volumes en nuisette rouge). Et chaque fois la raison l'emporte. Mais pourquoi ? Tout simplement parce que l'on peut consulter, sur Internet, le meilleur dictionnaire qui soit, le Trésor de la langue française. Oeuvre magistrale, magnifique, sublime. Qui ne peut exister qu'en vertu d'une conception à l'ancienne de la recherche (une révérence au passage au trio Pécresse-Fillon-Sarko).

Jury "populaire"

J'apprends, en lisant la presse espagnole, qu'un homme vient d'y être relaxé au nom de la légitime défense. Il s'était acharné (57 coups de couteau) sur ses deux victimes, avait vidé leur appartement de tout ce qu'il contenait d'intéressant, avant d'y mettre le feu. Mais les jurés ont estimé qu'il avait agi dans le cadre de la légitime défense. Les victimes, il est vrai, étaient des homosexuels. Ah, ok, comme ça d'accord. On fait quoi, on déprime sur le genrumain, on se pose des questions sur la "démocratie d'opinion", ou on se console en se payant un p'tit coup d' Léo ? Allez, on y va:

Ca me rappelle une blague que j'aimais beaucoup, quand j'étais gamin. Ca se passe dans l'Alabama. Un type fauche un groupe d'enfants noirs sur un passage pour piétons. Le policier dresse le procès verbal: "A quelle vitesse allaient les enfants quand ils ont percuté votre automobile?".

jeudi 19 février 2009

On en apprend tous les jours

Petite promenade ce matin, à la recherche d'une info, et j'en ai finalement trouvé une autre: Pero, du fait qu'il provient du latin Per hoc (i.e. par conséquent), devrait logiquement être accentué sur la dernière syllabe: Peró. Ce qui est d'ailleurs, selon l'Académie espagnole, la prononciation catalane, italienne, judéo-espagnole, ainsi que dans l'espagnol parlé à Bilbao. J'adore ce genre de trucs.
(Real Academia Española, Esbozo de una nueva gramática de la lengua española, Espasa-Calpe, Madrid, 1973, 1982 para la octava reimpresión, p. 72)

mercredi 18 février 2009

Evadés

L'emprisonnement est non seulement inefficace mais il est, de plus, néfaste. Il enfonce dans l'anti-sociabilité celui dont la sociabilité n'était pas assurée. On n'est bien sûr aucunement obligé d'adhérer aux thèses de Foucault (Surveiller et punir, Gallimard, 1975), mais au moins la lecture de ce livre amène à se poser la question: finalement, emprisonner, pour quoi ? Solution de facilité. Fuite en avant. Il est tout de même curieux de constater que depuis deux siècles ceux qui nous poussent à être inventifs, novateurs, ceux qui exigent de nous des résultats se cloisonnent, en matière de "justice", à ce stéréotype: le cul de basse fosse. Pour quel résultat ? A l'heure où l'on s'apprête à exiger de la recherche qu'elle soit rentable, ne pourrait-on pas demander - et même exiger- de la justice qu'elle imagine autre chose que la répression pure et dure, dont on a, tous les jours et depuis des siècles, la preuve de son inefficacité ?

mardi 17 février 2009

Le dipló

Je viens une fois de plus, comme chaque année depuis 20 ans, de renouveler mon abonnement au Monde Diplomatique. Or, le premier numéro que je reçois de mon nouvel abonnement contient une charge féroce contre la nouvelle vague où, de plus, Jean Seberg est nominalement montrée du doigt. Je ne doute pas du plaisir que ma compagne aura à lire cet article. Mais non mais non, les choses ne se passent pas du tout comme ça. C'est moi qui ai payé l'abonnement et j'entends bien qu'on n'y attaque pas mes idoles. Attention Halimi, s'il n'y a pas un rectificatif dès le prochain numéro, on rappelle Ramonet aux commandes. OK? On ne touche pas à Piccoli fumant le cigare dans sa baignoire, on ne touche pas au derrière de Bardot (sauf Gainsbourg, qui touchait à tout, dixit Birkin) et surtout on ne touche pas à Seberg. Ah non mais.

Le Séguéla nouveau est arrivé

L'inénarrable Séguéla a encore frappé. «Tout le monde a une Rolex. Si à 50 ans on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie». On ne compte plus, il est vrai, les turpitudes de celui qui s'était fait connaître du grand public, au début des années 80, en "imaginant" pour François Mitterrand le slogan "La force tranquille". Quelle trouvaille. Quelle magnifique trouvaille. Et puis quelle honnêteté, surtout, de la part des deux compères Mitterrand/Séguéla. Car cette formule, ne l'avaient-ils pas empruntée à Léon Blum (ce qui est légitime), mais sans le dire (ce qui l'est beaucoup moins) ? «J'adjure, comme chef du gouvernement, de s'y engager avec cette force tranquille qui est la garantie de victoires nouvelles» (allocution radiodiffusée de léon Blum, le 5 juin 1936 à 12h30). Le document sonore était, il y a peu de temps encore, téléchargeable sur le site de Gallica, au même titre que d'autres merveilles, telles que "Le Pont Mirabeau" dit par Apollinaire lui-même. Il en a été retiré. Quand nous retirera-t-on Jacques Séguéla? En attendant, allons réécouter Apollinaire. Et puis tiens, un petit cadeau, mais juste parce que c'est vous:

(Pour les plus jeunes d'entre nous: le monsieur sur la photo, c'est Léon Blum, le salaud qui a piqué son chapeau à Mitterrand. En plus de son slogan.)

dimanche 15 février 2009

Michel Piccoli

Magnifique prestation de Michel Piccoli, vendredi à la Comédie, dans Minetti, de Thomas Bernhard. Le texte est superbe, avec ses redites, son ressassement litanique des mêmes obsessions - comme toujours chez Bernhard-, ses fugues et variations autour de Lear, d'Ensor, d'une carrière dont on est de moins en moins sûr, au fur et à mesure où la pièce se déroule, qu'elle n'a pas été rêvée. Il s'agit d'un presque monologue, les autres acteurs ne servant guère qu'à donner la réplique, souvent par des monosyllabes, à «l'artiste en vieil homme». Et Piccoli est magistral. Les commentaires, lus ça et là, sur ses défaillances, me laissent rêveur. A-t-on bien tous vu la même pièce?

L'université des fainéants

Une magnifique intervention de Michel Terestchenko sur son blog: http://michel-terestchenko.blogspot.com/2009/02/luniversite-des-faineants.html

jeudi 12 février 2009

Pleyel

Lu ce communiqué sur le site de la manufacture des pianos Pleyel:
Dans la nuit du 4 au 5 février 2009, le feu s’est déclaré dans un local technique de la manufacture des Pianos Pleyel de Saint-Denis (93), spécialisée dans les pianos de très haut de gamme. Les dégâts matériels sont importants, mais la continuité de la manufacture est assurée. Le savoir-faire est intact grâce aux 16 collaborateurs qui maîtrisent facture instrumentale, lutherie, menuiserie, ébénisterie, vernis, marqueterie, accord, réglage, et qui sont mobilisés pour faire repartir la manufacture le plus vite possible. Les dessins, modèles, plans et prototypes ou gabarits ont pu être sauvés. Le Show-Room des Pianos Pleyel à la Salle Pleyel reste ouvert pour les clients et l’activité commerciale continue pour les pianos design ou d’artistes, mais aussi, les pianos à queue de haute facture instrumentale. L’activité de production devrait reprendre dans les toutes prochaines semaines.

mercredi 11 février 2009

Thiéfaine

J'ai découvert Thiéfaine sur le tard, en 1982, lorsque les radios ont bien voulu diffuser massivement les deux chansons phares de son cinquième album, qui restent pour moi des chansons fétiches: Loreleï Sebasto Cha et Les dingues et les paumés. J'avais 21 ans, un an de trop pour me prévaloir d'une certaine phrase de Paul Nizan, et c'était quand même bien, même si on n'a pas envie de repasser par là. Mais disons que depuis 1982 je suis accro à Thiéfaine, ses disques d'avant, ses disques d'après. Enregistrements publics, enregistrements studios. Son univers n'est pas le mien, mais il me fascine. Linguiste de formation, comment ne pas être abasourdi par ce fou "mort de désespoir dans un champ de labiales carnivores"? J'ai eu, à plusieurs reprises, l'occasion de le voir sur scène, mais cela ne m'intéresse pas. La part qu'il y a en moi de misanthropie me rend agoraphobe. Je n'aime pas les foules. Bien sûr, je ne regrette pas d'avoir assisté à des mega-concerts : la tournée d'adieux d'Yves Montand, Barbara à Pantin, Léo Ferré au pavillon Baltard, mais je préfère les petites salles. Je n'ai pas trop fréquenté l'Olympia, c'était cher quand j'étais étudiant, mais François Rauber, l'orchestrateur de Brel, me faisait signe quand il avait une invitation pour deux et que son épouse ne pouvait ou ne voulait pas l'accompagner. Mais j'étais, à l'époque, quasiment abonné à Bobino qui, sous un prétexte quelconque, me bombardait d'entrées gratuites. Et puis il y avait les fêtes de comités d'entreprise, etc. Je ne sais pas combien de fois j'ai vu Juliette Gréco Henri Tachan ou Mouloudji sur scène. Chaque fois le bonheur pur. Il n'empêche, je préférais les salles encore plus petites, les café-théâtres, où les Maurice Fanon, les Pierre Louki, les Jacques Debronckart, ou bien Cora Vaucaire, se présentaient sur une simple estrade.
Cela, bien sûr, me prive de moments sans doute privilégiés. Ma compagne a réservé sa place pour aller voir Mylène Farmer avec sans doute la même dévotion qui, plusieurs mois à l'avance, m'avait poussé à réserver la mienne au retour de Barbara à Pantin. Mais je ne l'accompagnerai pas. J'adore Mylène farmer, mais je ne me sentirais pas à l'aise dans ce magma humain. A quoi ça sert que les dvd se décarcassent ?
Ainsi donc, pour en revenir au thème principal de cette contribution, c'est seulement maintenant que je prends le temps, occupé par ailleurs, de visionner le dvd de la dernière tournée de Thiéfaine, Scandale melancolique tour (Sony, 2007). Pas de chansons nouvelles, un savant équilibre entre chansons anciennes et chansons extraites de son précédent studio, Scandale melancolique (2005). Difficile de dire si celles qui font le plus chaud au coeur, à l'épiderme et au cerveau sont les vieilles, celles que l'on sait par coeur, ou les nouvelles. L'inénarrable fille du coupeur de joints est interprétée par un collectif. Ayant un peu de temps libre ces temps-ci, je revisionne le dvd en boucle. Quel bonheur. On aurait aimé y être. Mais non. "La solitude n'est plus une maladie honteuse".

lundi 9 février 2009

Ricardo Menéndez Salmón

Il y a environ deux ans, Alain Mala, le courageux éditeur des éditions Cénomane, me donnait à lire Los caballos azules (Ediciones Trea, Gijón, 2005), recueil de nouvelles de Ricardo Menéndez Salmón, un jeune romancier espagnol né en 1971, et qui n'était alors publié que chez des petits éditeurs confidentiels. J'étais aussitôt subjugué par cette prose, à la fois rigoureuse et recherchée, au service (ou réciproquement) d'une technique narrative parfaite. La première nouvelle du recueil, qui lui donne son titre, en particulier, était géniale, on peut la lire ici. Il était difficile, alors, de se procurer ses livres et lors de mon voyage suivant en Espagne, je ne pus en trouver qu'un, son roman Los arrebatados (Ediciones Trea, Gijón, 2003). Depuis, Menéndez Salmón est devenu célèbre, ce qui n'est que justice. Actes Sud annonce sur son site une traduction à paraître et, selon son agent, Gallimard et Le Seuil seraient également sur les rangs. Je viens de terminer Gritar (Lengua de Trapo, Madrid, 2007), neuf nouvelles aussi percutantes que celles de Los caballos azules.

dimanche 8 février 2009

Post scriptum

En prenant mon repas dominical devant mon téléviseur, seul moment où je regarde la télévision, je tombe sur le volet culturel du journal de Claire Chazal, avec un sujet consacré à Madame Butterlight (déjà le titre est désopilant), une pièce qui se joue en ce moment à Paris. Une actrice, afin d'accepter un rôle, doit perdre quelques kilos... La thématique est d'une profondeur qui donne le vertige. On sait que pour tourner l'Aveu, Yves Montand avait dû perdre 12,5 kilos. Mais elle, c'est 18 kilos... Rien à voir, donc, d'autant plus que dans le cas de Madame Butterlight, c'est pour la bonne cause: la gaudriole. Montand, comme on le sait, et comme on peut le voir ici, aimait les sujets plus légers.
Revisitée sous cet angle, La douleur choque par sa légèreté, son insoutenable légèreté, son insouciance à contre-courant: comment faire regagner quelques grammes à un rescapé des camps de la mort ?

samedi 7 février 2009

Buchenwald mon amour

La douleur, de Marguerite Duras, hier soir, à la Comédie de Reims. Le texte est magnifique, terrible. L'attente, les démarches, à la libération, d'une femme dont le mari est en camp de concentration, puis le retour de celui-ci, peut-être plus terrible encore. C'est Patrice Chéreau qui est à l'origine de cette adaptation au théâtre du texte de Duras. Il en parle ici. Dominique Blanc est magnifique, sobre, à la fois émouvante et convaincante. La douleur, comme l'attente (Les petits chevaux de Tarquinia), sont omniprésentes dans l'oeuvre de Duras et leur écriture intériorisée. C'est la raison pour laquelle la lectrice type de Duras, ou son lecteur, est une voix off, elle aussi intériorisée (Jeanne Moreau, Delphine Seyrig, Emmanuelle Riva, Michel Lonsdale). Ici, Dominique Blanc nous propose une toute autre approche, qui consiste justement à extérioriser le texte. Splendide.

jeudi 5 février 2009

Bénabar et Leprest

12 très belles ballades, que j'aurais envie d'écrire avec un seul "l" tant j'aime m'y promener, pour la dernière livraison de Bénabar. Le disque débute fort avec une chanson entraînante sur un thème fort: "l'effet papillon" et "Allez". J'aime aussi beaucoup "Pas du tout", "A la campagne" et la chanson qui clôt l'album: "Infréquentable". Et puis également les trois dernières pages du livret, celles du "casting": batterie, guitares, cuivres, piano, contrebasse, trompette etc. Rendez-vous compte: un disque réalisé avec des VRAIS instruments. Très belles orchestrations, de la VRAIE musique, de la musique VRAIE. Et puis Allain Leprest est revenu avec un nouveau disque, Quand auront fondu les banquises. Pas de véritable chanson phare parmi la nouvelle fournée, mais un continuum de bonheur, comme toujours. J'ai découvert Leprest en 1982: Juliette Gréco avait enregistré cette année-là une chanson de lui (musique de Ferrat), "le pull over". J'étais tombé sous le charme d'un style, la signature Leprest, qui par certains aspects n'était pas sans rappeler Fanon, qu'il ne se prive d'ailleurs pas de chanter à l'occasion. Peu médiatisé (sauf par Telerama, qui l'a toujours défendu), Allain Leprest a mené une double carrière: celle d'auteur (pour Francesca Solleville en particulier) et d'auteur-interprète. Trop de chansons à citer, trop de merveilles chez ce chanteur qui avait le don de laisser Nougaro sans voix. Dans ce dernier disque j'ai surtout aimé Nananère (merci pour le clin d'oeil à Brassens) et Qu'a dit le feu qu'elle a dit l'eau, mais qui était déjà dans son précédent disque. On leur dira, qui termine l'album, en plus d'être magnifique, bouleverse d'autant plus que c'est sans doute la chanson de l'album qui ressemble le plus à du Leprest. Rédiger ce petit commentaire m'a donnée envie d'aller revoir et réécouter quelques vieilleries. Nu, son extraordinaire SDF, et C'est peut-être, dont il existe aussi un enregistrement plus récent. Olivia Ruiz, Daniel Lavoie, Jacques Higelin, Loïc Lantoine, Sanseverino, Mon côté Punk, Michel Fugain, Nilda Fernández, Hervé Villard, Afnès Bihl, Jean Guidoni, Enzo Enzo, Jamait, Jehan et sa fille Fantine lui ont rendu hommage l'an dernier, avec un disque superbe: «Chez Leprest».

Eduardo Manet

Rencontre hier soir avec Eduardo Manet, à l'occasion de la sortie de son dernier roman, La maîtresse du commandant Castro, publié chez Laffont. Agréable causerie au cours de laquelle Manet évoque sa naissance rocambolesque, son départ pour la France en 1951, son retour à Cuba une dizaine d'années plus tard, puis son retour en France. Il s'interroge sur les mécanismes de la fascination qu'exerce Castro. L'homme est détendu, amène, c'est -comme beaucoup d'écrivains latinoaméricains - un conteur. D'anecdote en anecdote, on voit passer à travers ses souvenirs des personnages importants -la mère d'Alejo Carpentier, qui fut sa prof de russe, et la première épouse du même Carpentier, qui fut sa prof de français, histoire de continuer dans le registre du rocambolesque. Castrosceptique sans être anti-castriste, Manet est mesuré dans ses propos, insiste sur les acquis de la Révolution, souligne ses divergences avec l'exil cubain. Il évoque Raúl Castro, qu'il a croisé sur les bancs de la fac, Elisabeth Burgos, Ernesto "Che" Guevara et quelques autres personnalités qu'il a rencontrées. Soirée sympa.

mercredi 4 février 2009

Tit repas sympa du lundi soir

Entrée : soupe d'huîtres et laitue. Dans une marmite mettre un verre de vin blanc sec avec une échalote hachée finement. Y faire cuire les huîtes à feu vif une dizaine de minutes, en remuant de temps en temps. Pendant ce temps, éplucher une laitue et la faire blanchir une minute dans de l'eau bouillante. Ecoquiller et réserver les huîtres. Essorer la laitue cuite et la hacher au couteau, l'essorer de nouveau. L'asperger de crême fraîche dans une casserole, faire cuire une dizaine de minutes, épicer (sel, poivre, noix de muscade). Y remettre les huîtres afin de les réchauffer. Servir dans des écuelles. C'est vraiment une petite entrée, pour un lundi soir; on peut aisément multiplier les doses par deux sans risquer l'embonpoint. Plat principal: saumon et tomates provençales. Peler les tomates (au chalumeau, c'est trop bien), les couper en deux, les évider, saupoudrer d'ail de persil et de chapelure et hop au four avec une lichée d'huile d'olive. Les darnes de saumon sont aimablement invitées à prendre un bain constitué de vin blanc sec, huile d'olive, jus de citron, sel, poivre, aneth, en compagnie d'une échalote hachée menue. Et hop, au four aussi. Ensuite tout dépend de vos goûts persos, préférez-vous le saumon fondant ou croustillant ? Miam.

mardi 3 février 2009

Drouot

Dans les paniers d'osier de la salle des ventes
une gloire déchue des folles années 30
avait mit aux enchères parmi quelques brocantes...
La chanson est impeccable. Il y en a peu de Barbara qui ne le soient pas. Chose troublante cependant, cet accord curieux du verbe "mettre", dont le participe passé aurait dû, en français de tous les jours, se terminer par un "s" et qui, liaison oblige, on ne peut le nier, pour Barbara se termine par un "t".
Miracle de la poésie. Louis Aragon, dans sa préface aux Yeux d'Elsa, aux premières pages du Fou d'Elsa et, bien sûr dans Le traité du style, démontre que le miracle de la poésie réside dans ce à quoi on ne s'attendait pas, dans le fait d'être déçu, c'est à dire découvrir une chose alors qu'on en avait anticipé une autre. "Je ne foule pas la syntaxe pour le plaisir, disait-il, je foule la syntaxe parce que la syntaxe est faite pour être foulée". Aragon dresse une liste de "fautes" commises par les meilleurs auteurs, et dont l'effet est ravageusement émotif.
Et, de fait, quel intérêt y aurait-il à chanter "J'suis descendu dans mon jardin pour y cueillir du romarin" ? Un chercheur a démontré que le surréalisme de Lautréamont provenait de ce que, né à Montevideo, ce dernier avait recours, écrivant français, à des locutions directement traduites de l'espagnol.
Pouvoir exotique de la poésie. Là où il y a déviance il y a poésie.
Imaginons que lors d'un premier enregistrement, Barbara ait, sans le savoir, commis une faute. Il est peu probable qu'en tant d'années de carrière, un moraliste, un érudit, un gentil ne lui ait pas écrit pour le lui signaler. Il est fort peu probable qu'à un moment donné, on n'ait pas dit à Barbara que le participe de "mettre" s'écrivait avec un "s". Or, d'enregistrement en réenregistrement, de concerts en réorchestrations, la longue dame brune a maintenu ce "t" iconoclaste.Merci... et chapeau bas.

Lectures

Je continue à exploiter le fruit de mon passage à l'extraordinaire librairie L'herbe entre les dalle, installée dans ses nouveaux locaux de l'avenue de Rostov au Mans. Bambi Bar, d'Yves Ravey (Minuit, 2008). «Quand les gendarmes frappent chez Léon, à l'aube, ils prétendent enquêter sur la voiture qui a renversé une jeune fille à la sortie d'un dancing.Mais, très vite, leurs questions s'orientent sur les activités du Bambi Bar qui emploie cette jeune fille dans des conditions pour le moins louches et qui vient d'engager Léon pour réparer la chaudière.» (4ème de couverture). J'ai beaucooup aimé. Pour en savoir plus, on peut visiter le site officiel des éditions de Minuit. De Tanguy Viel, j'ai lu Insoupçonnable (Minuit, 2006), que j'ai beaucoup aimé aussi. Il passe ses journées à fumer, elle est entraîneuse dans un bar de nuit, vide les cendriers chaque matin, en rentrant du boulot. Petite vie minable, mais un jour, ils en ont la certitude, cela va changer. Et cela change, en effet, le jour où un de ses clients la demande en mariage...

lundi 2 février 2009

La Célestine

Petit raid à Paris pour voir La Célestine au Vingtième Théâtre. Une très grande liberté par rapport à la pièce de Fernando de Rojas. Certes, il fallait sabrer dans le texte, pour réduire à une heure trente un texte dont la représentation intégrale durerait plus de vingt heures. Mais était-il bien nécessaire de faire tuer Calixte par les sbires du père de Mélibée, au lieu de le faire bêtement tomber du haut de son mur, ainsi que l'a voulu Rojas ? Ceci étant dit, très beau spectacle. Mise en scène classique, excellente interprétation. Biyouna est une extraordinaire Célestine, ponctuant régulièrement son texte d'interjections en arabe qui ajoutent une pointe d'humour à ce que l'auteur a conçu comme une tragicomédie. Myriam Bella convainc dans son rôle de Mélibée, comme Céline Caussimon dans celui de la duègne et Luis Rego dans celui du valet Sempronio.