mardi 24 mars 2009

Misère et fumier

Je tombe, en lisant Quelqu'un, de Robert Pinget (Minuit, 1965), sur cet emploi que j'ignorais du mot «misère»: «J'ai dû expliquer que j'avais renversé la misère et que je l'avais rempotée, on ne voit rien, regarde, à peine une petite branche de cassée, c'est comme avant.» (p. 156). Cet emploi est absent d'à peu près tous les dictionnaires (Robert, Littré, Académie); seul le Trésor de la Langue Française, dont j'ai déjà parlé ici, le mentionne: Plante herbacée vivace, à rameaux rampants et feuilles ovales de différentes couleurs. Les suspensions, vues de bas en haut, contiendront surtout des plantes retombantes (...) lierres, lobélias, bégonias et misères (Savoir tout faire au jardin, Paris, Sélection du Reader's Digest, 1980, p.25).
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Toujours chez Pinget, je trouve l'expression «faire fumier», dans le sens d'abonder: «Et en août c'est les melons qui font fumier alors il se cogne des melons.» (p. 151). Aucun des dictionnaires consultés ne mentionne cette expression, qui si j'en crois mes recherches sur Google semble pourtant assez employée. Il est intéressant de constater que tous les dictionnaires présentent le mot «fumier» sous un jour négatif. Préjugé tout citadin, qui fait fi de ce qu'il y peut y avoir de positif dans ce terme, lié à la fertilité. Ainsi, lorsque Victor Hugo, dans la préface à Cromwell, l'utilise comme synonyme de «terreau», le vieil Hugo, qui connaissait son français, ne semble pas lui attribuer une connotation particulièrement négative:

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Deux autres curiosités, toujours chez Pinget: les emplois indirects de «aider» et «souhaiter». «Reber l'a accompagnée à la cuisine pour lui aider à éplucher les aubergines.» (p. 95). «L'autre lui demande ce qu'elle souhaitait de savoir.» (p. 124).

Voici ce qu'en dit le TLF:

Le verbe aider hésite entre le régime dir. et le régime indir. Certains grammairiens, dont l'Ac., estiment qu'à cette différence de constr. correspond une différence de signif. (aider qqn jouirait d'une plus large ext. et pourrait notamment servir à désigner une aide morale; aider à qqn ne pourrait exprimer qu'une aide matérielle ou phys. de caractère momentané). L'usage ne confirme guère cette distinction. En revanche, il y a lieu de souligner que la constr. aider à qqn, habituelle en a. fr. et fréq. dans la lang. class., est auj. très vieillie.

Souhaiter construit l'infinitif complément avec de ou sans préposition, indifféremment (...). Toutefois quand souhaiter a un objet indirect indiquant la personne à qui s'adresse le souhait, l'infinitif complément se construit toujours avec de`` (GREV. 1969, § 758, p. 700).

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Aucune trace, en revanche, ni sur Internet ni dans aucun dictionnaire, d'un «mastoc» qui semble être une sorte de fauteuil: «Erard, quand il est là, somnole dans le mastoc [...].» (p. 162).