Dans les paniers d'osier de la salle des ventes
une gloire déchue des folles années 30
avait mit aux enchères parmi quelques brocantes...
La chanson est impeccable. Il y en a peu de Barbara qui ne le soient pas. Chose troublante cependant, cet accord curieux du verbe "mettre", dont le participe passé aurait dû, en français de tous les jours, se terminer par un "s" et qui, liaison oblige, on ne peut le nier, pour Barbara se termine par un "t".
Miracle de la poésie. Louis Aragon, dans sa préface aux Yeux d'Elsa, aux premières pages du Fou d'Elsa et, bien sûr dans Le traité du style, démontre que le miracle de la poésie réside dans ce à quoi on ne s'attendait pas, dans le fait d'être déçu, c'est à dire découvrir une chose alors qu'on en avait anticipé une autre. "Je ne foule pas la syntaxe pour le plaisir, disait-il, je foule la syntaxe parce que la syntaxe est faite pour être foulée". Aragon dresse une liste de "fautes" commises par les meilleurs auteurs, et dont l'effet est ravageusement émotif.
Et, de fait, quel intérêt y aurait-il à chanter "J'suis descendu dans mon jardin pour y cueillir du romarin" ? Un chercheur a démontré que le surréalisme de Lautréamont provenait de ce que, né à Montevideo, ce dernier avait recours, écrivant français, à des locutions directement traduites de l'espagnol.
Pouvoir exotique de la poésie. Là où il y a déviance il y a poésie.
Imaginons que lors d'un premier enregistrement, Barbara ait, sans le savoir, commis une faute. Il est peu probable qu'en tant d'années de carrière, un moraliste, un érudit, un gentil ne lui ait pas écrit pour le lui signaler. Il est fort peu probable qu'à un moment donné, on n'ait pas dit à Barbara que le participe de "mettre" s'écrivait avec un "s". Or, d'enregistrement en réenregistrement, de concerts en réorchestrations, la longue dame brune a maintenu ce "t" iconoclaste.Merci... et chapeau bas.